Gérielle et Matthias sont en classe de 6ème, au collège du Vauclin. Avec 17 autres camarades, ils vont traverser le Canal de la
Dominique en yole, pour un voyage scolaire pas comme les autres. Aux côtés de leurs mamans, ils nous racontent ce que leur
apporte la yole et les raisons qui les ont poussés à relever cet incroyable défi...
Gérielle et Matthias : deux jeunes collégiens passionnés de yole
Le collège du Vauclin a lancé un incroyable défi à ses classes de 6 ème : traverser le canal de Dominique en yole Voir l'
article 1. Gérielle, 11 ans, n’en avait jamais fait de sa vie, mais qu’à cela ne tienne, la motivation était là ! Cette traversée, elle
voulait en être. Elle se souvient : « Dès le début, je me suis dit que ce pouvait être une bonne expérience, un bon
challenge. C’est mon premier voyage scolaire et il y a beaucoup de choses à découvrir en Dominique… »
Il a d’abord fallu convaincre sa maman, Géraldine. « Je dois avouer qu’au début je n’étais pas du tout emballée par l’idée que
ma fille puisse participer. Je me disais, c’est quand même la haute mer… Ma foi, elle a négocié… et obtenu gain de cause
(rires). » Elle a aussi été rassurée par l’enseignante, lors de la présentation du projet. « Je me suis dit, finalement, pourquoi
pas, d’autant que c’est un beau projet. Quand on voit la motivation dont les enfants font preuve, on se dit qu’on ne peut pas les
empêcher de vivre quelque chose qu’ils ont vraiment envie de vivre. Je sens que ma fille est comme un poisson dans l’eau, elle
aime les activités nautique… c’est une nouvelle corde à son arc ».
Le fait de pouvoir suivre sa fille en temps réel, grâce à une application, a aussi aidé. « C’est sympa et rassurant de pouvoir
suivre en direct son enfant, grâce à cette puce. Et puis l’idée que ce projet puisse servir plus tard, pour les marins pêcheurs et
tous ceux qui sont amoureux de la mer… Cela permettrait de les retrouver quand ils disparaissent, ce serait quelque chose de
formidable. »
Sarah, la maman de Matthias, a immédiatement donné son feu vert. Il faut dire que le garçon de 11 ans est déjà un habitué.
« J’ai tout de suite été d’accord, car Matthias est né dans le monde de la yole. Son père est déjà allé à Sainte-Lucie en yole…
on est habitués. C’est un sport qu’il aime donc j’ai adhéré tout de suite ! » Matthias approuve « Je fais de la yole depuis que j’ai
9 ans, avec mon parrain et mon père. J’ai déjà fait Marin-Sainte-Anne. » S’il a tout de suite voulu participer au projet, c’est avant
tout parce qu’il aime ce sport, mais l’idée de visiter la Dominique lui a également bien plu. « Cela me faisait découvrir d’autres
pays, d’autres communes… »
75% de filles sur la yole, une équipe 100% motivée
Sur les 19 enfants qui participent à la traversée, 75% sont des filles. D’ailleurs, si Gérielle a tant voulu participer à ce défi, c’est
aussi pour faire évoluer la pratique des femmes dans le monde de la yole. « En Martinique, il y a le Tour des yoles une fois par
an. A chaque fois qu’on le regarde, il n’y a jamais de filles… donc je me suis que les filles pouvaient faire de la yole ! »
La maman de Matthias n’est pas étonnée. « De plus en plus de femmes espèrent adhérer à des yoles, pour pouvoir faire le tour
et montrer que les femmes aussi sont là, présentes dans le milieu de la mer. Peut-être pas chez les adultes, mais chez les
jeunes, ça cartonne. »
Dès le début, Gérielle a vite pris confiance. « Je pensais que cela me ferait plus peur, mais quand tu es dessus, tu te sens
emporté... » La jeune fille occupe même un poste important. « Je suis sur le premier bois, tout devant. Quand il y a un danger,
c’est nous qui devons diriger les bois, car si on se penche, les autres bois doivent aussi se pencher… »
Avec les garçons, la cohabitation se passe très bien, même si, selon Matthias, « quelques-unes font leur intéressantes », sur un
ton léger, qui prouve que l’ambiance est bon enfant. Au contraire, ce projet a surtout permis de resserrer les liens entre les
élèves de 6 ème , qui viennent de plusieurs classes. « Je ne connaissais pas la moitié des filles, explique Gérielle. On a commencé
à se connaître en faisant de la yole. On a dû discuter ensemble pour donner les postes et tout… » Les garçons qui avaient déjà
fait de la yole n’ont pas manqué de transmettre leur savoir-faire aux filles. « Un garçon, dont le tonton est yoleur, nous a
expliqué des choses, nous a montré comment on pouvait faire… » explique Gérielle.
Une chose est sûre : tous sont très motivés. « On sent bien qu’il y a une unité, une motivation, au point de se lever très tôt, de
se coucher tard… » confirme Géraldine. La traversée, qui devait avoir lieu fin avril 2020, a été reportée à la fin de l’année, à
cause de la crise sanitaire. « Les enfants ont été très déçus quand ils ont su qu’ils ne pouvaient pas partir. »
La yole pour renforcer l’esprit d’équipe chez les collégiens
La yole est un formidable moyen de développer l’esprit d’équipe. Gérielle et Matthias l’ont bien remarqué. « On a des
responsabilités, il faut être autonome, mais pouvoir s’écouter… » explique Gérielle. « Surtout, on communique ensemble et il
faut être concentré » ajoute Matthias. Gérielle aussi, insiste sur la concentration : « On doit regarder au loin et être concentré
sur ce qu’on fait, car un mouvement de travers peut mettre en danger toute une équipe. Nos décisions impliquent tout le
monde, donc il faut prendre les bonnes. »
On sent de la fierté et de l’admiration, chez sa maman Géraldine : « En termes de travail en équipe, de cohésion sociale, ils
apprennent à faire ensemble, face aux difficultés : la mer, sans technologie de pointe, seulement en utilisant que les ressources
naturelles… Alors qu’à cet âge-là, on a tendance à se laisser porter par la vie, là, ils sont obligés d’être acteurs, de prendre des
décisions… Ils ont des responsabilités et sont tous, chacun à leur poste, importants. En groupe, on se dit qu’on n’est pas seul
face à une problématique, la décision de l’un entrainant l’implication de l’autre… Je pense qu’ils sont tous conscients de ça. »
De façon générale, la pratique de la yole permet aux enfants de mieux appréhender la vie en société. « Demain, ils sont
amenés à être des citoyens, à vivre dans un groupe social… Or, les enfants, de par leur vécu personnel familial, ont tendance à
s’isoler, à créer des clans, à mettre de côté le fait qu’ils appartiennent à la société... Ce projet peut limiter ces déviances, car ils
se retrouvent avec des enfants qui ne sont pas forcément dans leur classe. Ils auront un autre regard. » Sa fille approuve : « j’ai
rencontré des filles avec qui je n’aurais surement pas parlé si j’avais pas fait ce projet ! »
Une expérience qui fait grandir
Cette expérience a permis aux enfants de considérablement gagner en maturité. Ce ne sont pas les mamans qui diront le
contraire… « Cette activité-là leur permet de grandir, confie Géraline. Elle leur permet de canaliser de leur énergie en quelque
chose d’utile et de positif. Cette pratique peut permettre d’extérioriser une souffrance, de trouver une échappatoire… c’est
idéal. »
Effectivement, Gérielle trouve que cette expérience lui a permis d’apprendre à gérer ses émotions : « Elle permet de les
contrôler. Si tu tombes, tu as peur, mais il faut vraiment essayer de calmer ses émotions pour pouvoir continuer… ». Sa maman
poursuit : « On est dans une société où on est en proie aux émotions… On parle de plus en plus de la place qu’elles prennent
sur nos actions et quand on sait qu’on a tendance à avoir des comportements tout à fait compulsifs… C’est un beau défi, car là,
ils doivent y faire face. »
La maman estime enfin que ce projet leur permettra de mieux se préparer aux difficultés de la vie d’adulte. « Ils s’en
souviendront plus tard. Cela servira pour les études, par exemple devant une copie. Quand ils auront peur, ils pourront se dire :
« j’avais peur de tomber, mais je l’ai fait. Comment j’ai fait pour canaliser cette émotion-là ? Comment je peux utiliser ce que
j’avais ressenti là pour faire telle chose ? »
Des parents fiers et investis
Les parents, aussi, ressortent grandis de cette expérience. Géraldine a par exemple appris à mettre ses propres peurs de côté,
pour le bien de sa fille. « En créole, on dit ‘lan mè pani branche’, qui veut dire « dans la mer, il n’y a pas de branches »,
auxquelles se raccrocher… Mon appréhension remonte à des séquelles d’enfants et quand quelque chose est ancré dans la
psyché, il y a tout un travail à faire pour pouvoir surmonter cela. Mes parents n’étaient pas très activités nautiques non plus. Du
coup, j’ai tendance à surprotéger mes enfants. » En laissant Gérielle naviguer, elle a pu travailler sur son appréhension de la
mer.
Face à la motivation sans faille des enfants, tous les parents ont suivi à 100%. « Comme les enfants sont motivés et
déterminés, nous parents ça nous motive à les aider à préparer leur voyage, pour que tout se passe bien » explique Sarah, la
maman de Matthias. Géraldine approuve : « il y a une grosse cohésion entre nous, avec toute une organisation autour. Les
parents se sont vraiment beaucoup investis, à croire qu’il s’agissait de leur projet aussi ! Les enfants de chacun sont considérés
comme ses propres enfants. On veille à ce qu’il soit les mieux lotis possible, à répondre à leurs besoins lors des
entrainements : on les accompagne, on prépare des pique-nique, on fait des petites collectes de fonds… »
Des relations qui vont parfois au-delà de l’activité. « Des liens se sont créés entre nous et une certaine fluidité s’est installée,
même pour les autres matières. Cela a débloqué une certaine relation de confiance, avec l’enseignant et d’autres parents, qui
parfois sont isolés, avec leurs problématiques… Cela leur permet de retrouver un groupe au sein duquel ils peuvent s’épanouir
et évoluer. Il y a vraiment une implication de tous, le souci de l’autre… »
Les parents sont également très heureux que leurs enfants découvrent d’autres cultures. « Le fait d’aller à la Dominique c’est
sympa, explique Géraldine, découvrir la culture, une autre population, une autre manière de vivre avec d’autres moyens… C’est
un peuple moins développé en terme de technologie et pourtant, là-bas, ils travaillent ensemble, avec une belle cohésion
d’équipe... »
Une chose est sûre : la jeune Gérielle compte bien continuer la yole. « Je pourrais faire ça en activité, plus tard… » lance-t-elle,
rêveuse. Les jeunes filles sont d’ailleurs de plus en plus motivées à faire évoluer le monde de la yole, traditionnellement
masculin.